Oiseaux de nuit et parchemin Suite [PV Thélie]

Suivant furtivement sa camarade, elles arrivaient enfin au 7ème étage. Suivant le rituel, Lily-Rose-Alix se chargea de passer 3 fois devant la salle tout en se focalisant sur son besoin d'avoir une infirmerie pour se soigner. Le château, dans sa grande mansuétude accepta sa requête et elle ouvrit la porte sur une petite infirmerie qui comprenait entre autre un lit pour bébé, un coin pour les soins entouré d'étagères comportant une multitude de flacons, ainsi que deux lits et visiblement une salle de bain fermant par une porte qui était ouverte pour le moment. Il semblait y avoir dans la pièce tout le confort qu'elles aurait pu souhaiter. Il y avait même une délicieuse odeur de chocolat chaud qui flottait dans l'air .*Un peu de chaleur, ce que sa fait du bien, même si soigner cette main ne sera pas des plus agréables. Cet imbécile d'oiseau ne m'a pas raté* Elle jeta un coup d'œil à sa main ensanglanté, c'était pas très beau à voir, mais elle ne devrait pas en garder de cicatrice, juste être ennuyé quelques jours à ne pas pouvoir s'en servir.

Laissant à sa camarade la possibilité d'étendre bébé dans le lit qui lui était dévolu, elle se rendit dans le coin soin, s'asseyant sur l'espèce de table destiné au soin. Elle commença à se battre avec sa veste pour tenter de l'enlever sans la tâcher. Exploit qu'elle ne réussit pas tant sa main continuait à saigner. Elle réussit toutefois à ne pas imbiber totalement la manche et se contenta quelques tâches sur sa veste. Ce qui est toujours mieux que rien, enfin façon de parler, rien était mieux que peu, au vue de la situation.

Elles n'avaient plus prononcé de parole depuis l'échange dans le couloir mystérieux. Mais il n'y avait pas de gêne, simplement une préoccupation différente au moment où elles étaient entré dans la pièce, pourtant ce moment de solitude respectif était terminé, elles avaient à faire l'une avec l'autre,... La blessé se laissa glisser en partie dans une douce torpeur à cause de la chaleur bienfaisant régnant dans l'infirmerie de secours.

Poudlard : +10

Après l'incident du couloir, Thélie fit le reste du chemin dans une fièvre silencieuse. Hantée par la possible identité de l'inconnu, elle serrait fort son bébé contre elle, ne cessait de regarder à gauche à droite, ne cessait de se demander si elle voulait le rencontrer de face cette fois... et les émotions faisant une sortie, ne cessait de penser à ce qu'elle avait perdu et à comment infliger le plus de mal. Un pas, rien qu'un pas murmuré dans la nuit avait suffit pour déclencher une averse dans le coeur et l'esprit de la jeune femme.

Son ombre tourmente son quotidien,
Sa présence asservit sa conscience,
Il est là, il la regarde...

Et elle cherchait à son tour de ses yeux en ces instants comme délavés, perdus on-ne-savait-où. Un pâle et incomplet reflet de son coeur. Ou peut-être, justement, un reflet trop fidèle.

Il ne fallait pas ! Non, elle ne pouvait pas se... Non. Contenance, impassibilité, distance - oh oui, rester éloigner autant que possible, Thélie replaça sa façade juste avant qu'elles n'arrivent à destination. Façade au combien fissurée par le passé et pourtant, ne sera-t-elle peut-être jamais plus aussi solide qu'à présent. Parce que la jeune femme ne voulait plus assister à l'effondrement de ses murailles, parce qu'elle ne pouvait plus supporter une attaque.

Les deux Poufsouffles entrèrent finalement dans la pièce idéale du moment. Elles n'auraient pas pu tomber sur mieux - d'ailleurs, Thélie remercia mentalement sa camarade pour avoir pensé au lit de bébé. Elle se dirigea ainsi en premier lieu vers le petit lit pour allonger Lilian qui dormait à point fermé et alléger ses bras par la même occasion. Pas qu'il soit spécialement lourd, mais un bébé pèse toujours un petit peu au bout de plusieurs heures de portage - le pire étant quand il donne des coups, de tête surtout, dans les bras déjà douloureux, là on se dit quel sadique.

Après s'être assurée qu'il était bien couvert par les couvertures sans que celles-ci ne l'étouffent, Thélie se concentra sur sa condisciple de maison. Et particulièrement sur sa main salement amochée. Stopper le flux, désinfecter et panser correctement. Mieux, peut-être une potion pour accélérer la guérison se cachait-elle quelque part dans une de ces étagères généreusement fournies.

La jeune jaune et noire avait ôté sa veste et attendait simplement que la veuve soit prête à s'occuper d'elle quand Thélie arriva à elle. Pas de panique, pas de comportement stressant, pressé... Elle apprécia cette manère posée d'appréhender les choses chez la jeune fille. Décidemment, ce serait plus facile si elle connaissait son prénom ! Prenant des serviettes sur une étagère, Thélie prit la parole :
Nous allons pouvoir nous occuper correctement de votre blessure avec tout ceci. Au fait, comment vous appelez-vous ? finit-elle par demander tout en pressant les serviettes sur la plaie de la jeune fille.
Elle la prévint :
Je vais devoir appuyer, dites-moi quand même si c'est trop fort.

La force employée ne devait normalement pas faire exagérement mal, mais elle préférait prévenir. Il ne servait à rien de la faire s'évanouir.

Alors que les yeux de Lily-Rose-Alix se fermaient de plus en plus, sa main la faisait de plus en plus souffrir. Cette blessure, bien que de peu de gravité la lançait jusque dans l'épaule. Le sang continuait de s'écouler des plaies, formant de grosses tâches sombres sur la table. Elle se forçait à garder le rythme de sa respiration afin de garder son calme et de ne pas se laisser totalement aller. Enfin, sa camarade parut en avoir fini avec son enfant, et elle se dirigea vers la blessé en prenant des serviettes au passage.

La septième année posa alors une question qui fit ouvrir de grand yeux tout rond à la sous-préfète. Il y avait dans ce château une personne qui ne connaissait pas son étrange prénom composé.
"Je me nomme Lilly-Rose-Blacksnow. Je ne vous demande pas de vous présenter. Pas par impolitesse, mais parce que nul n'ignore qui vous êtes. Je dois dire que j'admire la dignité dont vous faites preuve à chaque instant. Je doute d'en être moi même capable dans d'autres circonstances."

Elle hocha la tête en signe d'assentiment lorsqu'elle précisa qu'elle devait appuyer sur la plaie. Elle retient un cri, ses yeux embués de larmes, le cœur lourd et la main droite, agrippé au bord de la table, les jointures blanchies. Une larme roule, solitaire, sur sa joue.

Pourtant cette douleur n'arriverait jamais à la cheville de ses tourments. La douleur morale du mariage arrangé gangrenait un peu plus son cœur chaque jour. Tuant dans l'œuf ses rêves de jeune fille en fleur, sapant ses forces morales morceau par morceau. L'usant moralement de ne pouvoir faire ce qu'elle veut sans risquer d'en subir les conséquences après. Enfin des conséquences bien grave pour des gestes anodins d'adolescents normaux. Par chance la seule personne qui l'intéressait était inaccessible, ce qui induisait qu'elle ne risquait pas de nuire à cette personne de par sa situation. Mais elle doutait d'être capable d'autant de dignité le jour où cela serait nécessaire.

Mais elle n'était pas une adolescente normal. Et sa camarade transformé en infirmière non plus. Qui sais. Des liens se sont noués pour moins que ça. Elle regarda la jeune mère la soigner. Elle se sentait à la fois proche et distante d'elle. De par leur façon d'être respective mais aussi par ce qu'elles étaient chacune de leur coté, mais qui était identique. Cette solitude. Ce poids sur des épaules bien jeunes et frêles. Adultes avant l'heure.

La demoiselle finit de lui répondre juste au moment où Thélie appuyait sur la plaie. Mauvaise coïncidence car l'évocation de sa "célébrité" et des raisons de celle-ci la firent presser un peu plus fort qu'elle ne l'aurait voulu. Ce n'était pas volontaire, juste une réaction spontanée. Les évènements étaient encore trop récents, trop vifs dans son coeur. Elle qui ne l'avait jamais rempli de quoique ce soit d'autre que de dédain et d'indifférence, voilà qu'il débordait. Dans un autre contexte, on aurait pu qualifier le changement de cocasse... Oh, Grégory vivant, combien s'était-elle moquée d'elle-même ! A présent, elle se maudissait plus qu'autre chose.

Et elle maudissait tous ces gens qui ne pouvaient s'occuper de leur propre vie. Peut-être était-ce de leur faute, à elle et Grégory, puisque leur mariage fut ouvert à toute l'école. Oui, ils avaient une part de responsabilité - elle aurait dû l'interdire à sa mère ! Elle aurait dû prendre toute la cérémonie en main pour la faire à sa manière ; le nombre d'invités auraient grandement été réduit, pour sûr. Cependant cela faisait partie du "contrat" implicite qu'elle avait conclu avec sa génitrice : elle devait faire des concessions pour pouvoir avoir main mise sur certains points. Maintenant, Thélie regrettait d'avoir ployé de la sorte. Les fiancés avaient eu tellement peu de temps à eux qu'elle aurait voulu profiter de chaque instant comme ils auraient aimé le faire. Profiter de tous ces aspects de la vie qu'il lui avait faits découvrir, profiter, profiter... mais cette idée faisait partie du passé. Elle n'aurait même peut-être jamais dû être effective. Non, leur histoire n'aurait peut-être jamais dû être...

Resaisis-toi !

Thélie revint à l'instant présent, s'intimant à ne pas penser. Ne pas penser à ça en tout cas. Force, contenance.

N'oublie pas, tu n'as pas de coeur.

Pas de coeur, pas de coeur, pas de coeur... Non, plus jamais. Le seul qui lui restait devait être celui de Lilian. Personne, personne d'autre, plus rien. Si son coeur demeurait vide, rien ne pourrait la toucher. Si son coeur persistait à être un trou béant, rien ne pourrait le remplir, rien ne pourrait en déborder.

Reste maîtresse de toi-même pour maîtriser ta vie.

C'est ce qu'il y avait de plus sûr, c'était ce qui promettait le meilleur avenir. Pour elle et pour son fils. Elle créerait une bulle autour de son fils et rien ne pourra l'atteindre. Ainsi, il ne sera jamais le jouet de quiconque ni de quoique ce soit, ainsi il fera face à toutes les dérives possibles et ne tombera jamais. C'était ce qu'elle avait décidé et personne ne pourrait lui faire changer d'avis. Que ça soit une bonne ou une mauvaise décision, c'était la sienne.

Retour à la réalité. La Poufsouffle ne s'était pas absentée plus de quelques secondes, le temps de presser les compresses en fait. Quand elle eut de nouveau conscience de ce qu'il se passait, elle remarqua la tension dans ses bras puis la position et la larme de Lily-Rose-Alix, puisque c'était comme cela qu'elle s'appelait.

Comme si elle regardait la scène à travers une vitre, la douleur de la jeune fille n'eut aucun écho en elle. Elle n'éprouvait aucune satisfaction non plus. De l'indifférence que l'esprit tempérisa en lui rappelant qu'il était inutile de la faire tomber dans les pommes et qu'il fallait la soigner. Pourquoi ? Parce qu'elle était la seule personne présente quand l'accident se passa et que, si elle ne gagnerait rien, ou ne voulait rien gagner, à la secourir, elle n'y perdait rien non plus.

Tout en desserrant son emprise, la veuve répondit enfin à Lily.
La dignité, oui, peut-être. Mais la dignité de garder sa vie privée pour soi alors. Les gens ont tellement tendance à se montrer en spectacle, c'est pathétique. Je ne comprends pas ce besoin d'étaler ses maux et ses joies à des inconnus... Et je crois que vous seriez plus digne que ce que vous pensez parce que vous ne faites pas partie de ce genre de personnes, je me trompe ?

Avisant la plaie, Thélie se félicita du flot réduit qui coulait toujours, par contre. Laissant un essui autour de la main invalide, elle se retourna vers l'étagère pour chercher une potion qui remédierait à ce problème. Coup de bol, elle en trouva une. Remède en main, elle se retourna et la tendit à la jeune Pouffy.
Ceci devrait stopper le sang. Je peux aussi regarder s'il n'y a pas une potion pour accélérer la cicatrisation, si vous voulez...

Au moins sa blessure serait visible, au moins elle éveillerait de questions, ce qui devrait arranger Lily puisqu'elle ne se serait pas blessée si elle avait suivi le règlement...

Alors que sa compagne la soignait, Lily-Rose-Alix ne pouvait que la regarder. Elle n'avait pas l'air en grande forme elle non plus. Probablement que l'enfant ne devait pas la laisser dormir beaucoup. Et cela ne devait pas être le seul de ses tourments. Le sous-préfète ne pouvait qu'imaginer la douleur de perdre l'être aimé. Elle même souffrait d'un amour à sens unique et c'était déjà assez difficile. Elle le voyait chaque jour, croisait son regard, se réjouissait de ses sourires, était en colère quand il était mécontent, ... Bref son humeur dépendait en grande partie de celle de son aimé.

Au moins la jeune maman avait-elle eut la chance de connaitre un amour partagé, de s'être marier avec ce même amour, d'avoir un enfant,... Autant de choses auxquelles Lily-Rose-Alix ne préférait pas penser. trop douloureux.. Chimères, rêves utopiques, illusions,...

"Il est vrai que je ne suis pas du genre à raconter mes ennuis à tout le monde. ... Il faut dire que je n'ai pas vraiment le choix. Quand bien même je parlerais, personne ne me comprendrais, alors autant me taire."

Thélie vérifia que le flots de sang se tarissait et farfouilla dans le placard situé près d'elle. La sous-préfète ne voyait pas ce qu'elle cherchait, mais elle entendait les flacons s'entrechoquer dans le placard. Enfin, elle sembla trouver ce qu'elle cherchait et tendis un petit flacon vert foncé, de forme simple, le liquide semblait liquoreux. Du pouce, elle repoussa le bouchon de liège qui fermait le flacon, son contenu avait une odeur qui n'était ni agréable, ni désagréable.

"Non, ne vous déranger pas. J'irais voir l'infirmière demain matin. Déjà si la plaie cesse de saigner, ce sera un point positif."

Elle porta à ses lèvres le flacon et bu son contenu. Le liquide avait un arrière goût de choux, de chewing-gum, de fraise tagada et de pain au seigle. C'était un mélange des plus étrange et surtout des plus écœurant. La jeune fille retient avec peine un haut le cœur, lèvres pincés, sourcils froncés,...

"C'est le truc le plus immonde que j'ai jamais bu. Par contre l'effet à l'air plutôt rapide. Grimaça t-elle d'une voix rauque après avoir fini le flacon et alors qu'elle commençait à tomber de sommeil. Ses yeux se fermaient tout seul. Elle réprima avec peine un bâillement. Sa tête commençait à dodeliner sur ses épaules. Elle chercha à descendre pour se diriger vers l'un des lits, elle se rattrapa de sa main valide au bord de la table.

"Je crois que je vais avoir besoin d'aide pour aller jusqu'au lit." Marmonna-t-elle faiblement à sa compagne. Elle sentait ses jambes plier sous elle, son esprit s'embuer, les contours de la pièces devenait de plus en plus flou, même la jeune femme qui lui faisait face était moins nette qu'auparavant.